Lu pour vous : "Politique du travail : la fierté professionnelle"



Parce que le chômage peut nous faire oublier le travail lui-même. Parce que des sujets lourds tels que le coût du travail, le code du travail, le contrat de travail, les conditions de travail ne doivent pas éluder le travail lui-même. Parce que nous ne devons pas évincer l’activité elle-même, le rôle de l’accompagnement, les métiers et la fierté professionnelle, Laurent Tertrais, responsable éditorial sur les questions sociales et politiques nous invite à déplacer notre regard vers une politique du travail axée sur les métiers et le goût du travail bien fait. Et c’est passionnant !

Une approche positive du travail

Avec un titre aussi sérieux que "Politique du travail", on s’attend à un livre complexe pour ne pas dire ardu, gravité d’un sujet anxiogène oblige.  Il n’en est rien !  
L’écriture est fluide, facile et le texte se veut être une grille de lecture, un essai de vulgarisation critique sans prétention scientifique.
Face au chômage, à la galère des jeunes pour entrer dans le monde du travail et aux seniors pour y rester, on parle en effet peu des métiers, du goût du travail bien fait et de la performance collective. On évoque rarement la passion des professionnels. L'annonce du taux de chômage enivre ou accable selon son résultat mais on valorise peu les métiers.

Et pourtant, qui n’a pas été touché par un restaurateur accueillant des clients comme s’ils étaient chez eux ? Par un boucher salivant d’avance en préparant une commande ou par la vue d’ingénieurs et d’ouvriers se félicitant lors de la mise à l’eau d’un navire ? Tous ces actifs ont en commun  de la passion et du professionnalisme. Ils sont dans l’œuvre et ils participent par leurs gestes à la marche du monde. "Désir de métier et donc d’autonomie. Désir d’un travail qui rend libre, d’un emploi qui reconnaît l’esprit d’initiative et la créativité". L’emploi, dont on parle beaucoup, ne dit en fait rien du travail.

 

Accompagner et former tout au long de la vie

L’auteur nous rappelle à quel point la course à l'emploi et à la productivité a pris le pas sur une approche positive de l'activité, sur l'accompagnement des actifs et sur l'autonomie. Il parle de moyens à s’octroyer contre la solitude, il rappelle l’importance de la formation tout au long de la vie active. Souligne la difficulté de trouver une formation à la fois compatible avec une activité et qui confère des perspectives professionnelles. L’importante réforme lancée en 2014 a permis de remplacer le Droit individuel à la formation (DIF) par le Compte personnel de formation (CPF). C’est la première fois qu’il y a un droit à la formation et à l’évolution professionnelle pour tous les salariés.

 

Un métier à soi pour un parcours à soi

Les chômeurs savent bien que la première question qui leur est posée par les organismes de reclassement ou les possibles employeurs est : quel est votre métier ? Les actifs en poste ont-ils la même question lors de leurs entretiens professionnels, lorsqu’ils ont lieu ? "Quel est ton métier et quel est son avenir ?" aimerait-on entendre régulièrement de la part de son manager. Et pas un bilan des tâches et des compétences.  "Avec les notions de compétences et de savoir-être s’opère une mise à mal des métiers. Les compétences professionnelles sont mises en relation avec  la rentabilité au détriment des règles du métier".

Laurent Tertrais nous adresse un clin d’œil tout en finesse en évoquant, au fil des pages, l’intelligence manuelle, la passion, le professionnalisme, et la précision technique des gestes de certains métiers. "Mais qu’ont-ils donc, tous ces actifs ? À les croire, ils sont payés pour être heureux. Aucun ou presque n’échappe à la précarité, à l’intensification comme au risque de se voir déposséder de leur part de rêve. Mais ils sont dans l’œuvre".
 
 

 
Pour aller plus loin

 
 

Cariforef, juillet 2017