L'épreuve du chômage (France culture)



Mi janvier 2019, l’émission de France culture "Entendez-vous l’éco" abordait la question du chômage au travers de trois thématiques : l’histoire de la reconnaissance du chômage, l’effet sociologique du chômage sur les individus et la politique de lutte contre le chômage. Réécouter le triptyque…

   

L’histoire de la reconnaissance du chômage ou "La conquête d’un droit"

Si l’origine latine du terme chômage, "caumare" désigne le repos pendant la chaleur, historiquement, le terme "chômage" permet de distinguer les salariés qui ont perdu leur emploi, des pauvres.

De cette distinction découle la volonté d’un dénombrement, dans le but d’apporter un soutien financier à cette catégorie de population.

À partir du recensement de 1891, le chômage est ainsi reconnu comme une "suspension temporaire de travail dans l’établissement".

L’indemnisation du chômage est d’abord versée aux cotisants des caisses syndicales, qui regroupent essentiellement les ouvriers qualifiés. Mais le développement d’un chômage de plus en plus structurel amène l’État à organiser de mieux en mieux cette indemnisation. La politique économique influençant l’analyse du chômage et de ses causes, mais également la prise en charge, par l’État, de cette indemnisation.

    

"Une vie après l’usine" analyse de l’effet sociologique du chômage sur les individus

À partir de l’exemple de la faillite de deux grands groupes (Chausson en 1996 et Moulinex en 2001), les sociologues Danièle Linhart et Manuella Roupnel-Fuentes analysent l’effet sociologique du chômage sur les ex-salariés de ces deux entreprises industrielles, toutes deux fordistes et paternalistes.

Les sociologues distinguent plusieurs phases dans l’épreuve du chômage et décrivent comment les anciens salariés ont affronté cette violence.

Tout d’abord, un sentiment d’irréalité et d’invraisemblance face à cette décision brutale qui leur est imposée.

Ensuite vient une phase de tristesse, de désarroi, d’effondrement et/ou parfois de colère et de révolte. Celle-ci s’accompagne souvent de problèmes de santé (stress, suicides, maladies…).

Dans la phase suivante intervient une forme de réajustement entre l’irréel (lié au choc de l’invraisemblance) et le réel (la nouvelle situation) et une progressive "inscription dans la vie" (quand les ex-salariés ont réussi à accéder à ce stade). L’investissement ou non dans le combat syndical influant sur cette phase de réajustement.

Puis vient la période de la recherche d’emploi et la confrontation à des expériences nouvelles (avoir à se vendre, mettre en avant ses compétences, ses qualités…). L’accompagnement durant cette phase, bien qu’existant, est considéré comme peu qualitatif et peu bénéfique par les ex-salariés.

Enfin, dans la dernière phase, les individus s’engagent dans un itinéraire. Soit, ils perdurent dans le chômage et subissent progressivement une chute sociale. Soit, ils considèrent cette épreuve comme une libération pour faire autre chose (reconversion, reconsidération de sa carrière professionnelle…). Soit encore, ils réintègrent rapidement un emploi similaire (choix de survie immédiate sans garantie de durée), ou alors ils diffèrent (via des formations) leur choix.

Pour les personnes qui étaient depuis peu dans l’entreprise, le chômage est vécu comme une transition.

Dans une considération plus globale, Danièle Linhart et Manuella Roupnel-Fuentes se réfèrent aux écrits de Dominique Schnapper (1981) pour décrire trois différentes formes dans l’épreuve du chômage : le "chômage total", vécu essentiellement comme une expérience douloureuse  (effondrement d’un monde, remise en question, sentiment de disqualification, problèmes de santé…), "le chômage inversé", vécu comme une opportunité de développement personnel et "le chômage différé" où l’ancien travail est remplacé par la recherche active d’emploi.

    

La politique de lutte contre le chômage ou "le rêve de l’emploi pour tous" : 3e et dernier épisode

La nécessité de repenser la lutte contre le chômage apparaît désormais comme une question récurrente. Car les remèdes habituels (s’appuyer sur la croissance économique ou la fluidification du marché du travail pour favoriser l’emploi et ainsi réduire le chômage) ne fonctionnent pas.

En soi, les chiffres du chômage ne disent pas la qualité de l’emploi. Ils ne prennent pas non plus en compte toutes les catégories de chômeurs : on parle généralement de la catégorie A alors que ce sont les "chômeurs découragés" qui devraient faire l’objet d’une attention particulière. De même, le renforcement du contrôle des demandeurs d’emploi n’implique pas, en l’état, un renforcement de l’accompagnement des demandeurs les plus éloignés de l’emploi, de même qu’il ne favorise pas un retour à l’emploi de qualité.

Si on s’appuie sur les travaux de Pierre-Noël Giraud, qui place les demandeurs d’emploi ou les travailleurs précaires dans la catégorie des "inutiles", celle-ci s’opposant aux productions "nomades" (exposées à la concurrence internationale) et aux productions "sédentaires" (celles qui ne sont pas menacées par la concurrence étrangère), ne faudrait-il pas développer la production nomade ? Celle-ci créant, par ruissellement, des emplois dans l’économie sédentaire ?

Faudrait-il mieux partager le travail ? Le passage aux 37,5h puis aux 35h ont en effet généré plusieurs centaines de milliers d’emplois. Si on reprend la classification de Pierre-Noël Giraud, il semble pourtant que cette solution soit mal adaptée aux productions nomades, soumises au contexte de mondialisation.

L’expérimentation des Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), en employant les demandeurs d’emploi de longue durée, sur la base du volontariat, dans des Établissements à but d’emploi (EBE) participent de ces tentatives pour atteindre le plein emploi.

Enfin, l’idée, développée par Bernard Friot, d’un salaire à vie permet, quant à elle, d’envisager une émancipation du travail, qui, dans cette perspective, serait séparé de l’emploi. Dans ce contexte, le salaire serait déconnecté de ceux qui détiennent le capital dans l’entreprise (la valeur ajoutée de l’emploi étant répartie dans trois caisses : pour le financement de services publics gratuits, pour les salaires et enfin, pour les investissements).

 

     
Cariforef des Pays de la Loire, mars 2019

Quelques références disponibles au centre de ressources :