Lu pour vous : Pionnières de l’éducation des adultes



Dans cette immersion historique féminine et mémorielle, nous partons à la rencontre de 11 femmes originaires de pays différents, toutes nées au XIXe siècle (de 1840 à 1886). Elles ont contribué chacune à développer des formations et à fonder des institutions. Ce volume fait entendre leurs voix dont la plupart sont peu connues. Toutes ces femmes ont voulu attirer l’attention des autorités sur celles et ceux qui avaient été laissé.e.s de côté…

     

Au départ, les deux auteures, Françoise Laot et Claudie Solar, décident de rechercher des pionnières à la croisée des chemins de l'histoire des femmes et de l’histoire de l’éducation des adultes. Force est de constater que peu de figures féminines ont été identifiées dans les écrits historiques portant sur l’éducation et la formation des adultes. Le rôle qu’ont joué les femmes a été largement omis. Ce livre apporte un éclairage précieux sur des pionnières de l'éducation et de la formation en les faisant sortir de l’ombre.

"Leurs conceptions sur la place sociale des femmes sont très variées, comme le sont leurs conditions sociales : issues du peuple, comme Jeanne Deroin, ou de familles de la grande bourgeoisie comme Zoé et Isabelle Gatti de Gamont, Marguerite Champendal, Marie-Jeanne Bassot ou de la bourgeoisie industrielle comme Victoire Cappe, de l’élite intellectuelle comme Helena Radlinska, ou encore des classes moyennes émergentes comme Élise Luquin, Mary Follet, Caroline Spurgon et Virginia Gildersleeve. Leurs convictions politiques et religieuses se révèlent d’importantes sources d’inspiration et le moteur de leur action."

   

Les femmes de l’ombre, pionnières en leur temps

Démarches de formation (alphabétisation, enseignement professionnel), pratiques de développement culturel (lectures publiques, représentations théâtrales), communautaire, éveil à une conscience syndicale, lutte pour les droits des prolétaires et des femmes ou action sociale sont autant de types d’interventions pensées, conduites et réalisées par ces pionnières.

Les deux auteures Françoise Laot et Claudie Solar ne prétendent pas à l'exhaustivité et sont bien conscientes que beaucoup reste à faire pour rendre justice à l'action de nombreuses femmes restées dans l’ombre de l’histoire. Au fil des pages, les personnalités singulières et les parcours atypiques de ces pionnières marquent l’esprit et réjouissent le lecteur ou la lectrice de tant d’engagement à une époque où les femmes n’avaient guère droit au chapitre !

   

Jeanne Deroin : l’éducation mutuelle des femmes et des prolétaires

Cette militante pour l’affranchissement politique et social des femmes et des ouvriers commence sa carrière professionnelle comme lingère, la poursuit en tant qu’institutrice puis journaliste. On sait peu de choses d’elle si ce n’est sa soif de savoir, sa force de penser et son besoin d’apprendre. Issue d’un milieu populaire, obligée de travailler, le sentiment d’injustice et sans doute ses lectures l’amèneront à devenir très critique vis-à-vis de l’Église.

"Le mari doit protection à sa femme, la femme doit obéissance à son mari, je ressentis une indignation profonde, jamais, me dis-je, je n’achèterai le bonheur au prix de l’esclavage."

Jeanne est un personnage hors du commun. Les auteures la révèlent non pas comme une leader d’un mouvement éducatif mais comme une pionnière de l’éducation des adultes. Son côté hors normes repose plus notamment sur son histoire personnelle, ses prises de position et ses méthodes, voire même sur une certaine vision égalitariste devant l’éducation et l’accès au travail. Elle a probablement inspiré nombre de celles et ceux qui l’ont côtoyée, comme par exemple Jean Macé qui s’est révélé par la suite un acteur majeur de l’éducation populaire.

"Et la femme affranchie comme l’homme du joug de la misère, de l’ignorance et des préjugés, et comme lui indépendante par le travail, qui donnera satisfaction à tous ses besoins, pourra enfin disposer d’elle-même […] ; elle pourra employer ses facultés selon ses aptitudes réelles et son libre choix."

   

Isabelle et Zoé Gatti de Gamont : pour l’éducation libérale des femmes

La mère et la fille, sont l’une et l’autre inscrites dans le mouvement féministe belge. L’intérêt pour une éducation des filles et des femmes est porté par un courant élitiste composé d’un petit nombre de femmes dont elles font partie. Zoé Gatti de Gamont est écrivaine et pédagogue et issue d’une famille de notables. Elle est présentée dans l’ouvrage à la fois comme une théoricienne de l’éducation libérale des femmes en Belgique mais aussi comme une femme de terrain. Défendant l’amélioration de la condition sociale des femmes, elle ne revendiquera pourtant jamais l’égalité mais plutôt une reconnaissance de ce qu’elle considère comme la spécificité des femmes. Sa fille, Isabelle Gatti de Gamont fondera une école pour jeunes filles dès 1864.

   

Marguerite Champendal : entrepreneure en santé et pionnière de l’éducation des femmes à l’hygiène

Première Genevoise à avoir obtenu son doctorat en médecine, en 1900 à l'Université de Genève, son nom est rattaché à la formation des infirmières. Mais son caractère pionnier et innovant se dévoile à travers ses diverses créations institutionnelles. Elle multiplie en effet les activités dans le domaine de la santé et cible tout particulièrement le public des femmes et des mères. Son objectif est d’œuvrer à leur affranchissement culturel en usant de la forme associative pour pousser à une entraide entre publics féminins.

   

Élise Luquin : pionnière de la formation commerciale féminine en France

Fondatrice de l’école de Lyon, inspectrice générale de l’enseignement commercial, membre du Conseil supérieur de l’enseignement technique, Élise Luquin la pédagogue s’adresse aux femmes pour qu’elles apprennent le métier de comptable. À travers le parcours et l’action de cette pionnière qui met en place les premiers cours du soir en France, il s’agit de mettre en lumière la contribution des femmes à la construction de l’enseignement professionnel en France.

   

Mary Follett : une éducation civique des adultes pour une vraie démocratie

Conseillère en management et pionnière de la théorie des organisations du point de vue des ressources humaines, Mary Follett mène de front plusieurs projets dont celui d’un Bureau d’orientation qui vise à orienter vers une voie professionnelle et trouver un emploi, assurer l’insertion dans des conditions acceptables ainsi qu’un suivi des personnes actives sur le marché du travail.
Pendant plus de 20 ans, elle se dédie à la formation de celles et ceux, jeunes ou adultes, qui souhaitent compléter et poursuivre leur formation. Elle est une précurseuse multidisciplinaire de la continuité de l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie.

   

Marie-Jeanne, Victoire et les autres…

Marie-Jeanne Bassot, Victoire Cappe, Helena Radlinska, Caroline Spurgon et Virginia Gildersleeve sont elles aussi des innovatrices pour lesquelles les auteures consacrent de longues pages passionnantes. Pour l’une, c’est un engagement dans l’expérience des maisons sociales, véritable figure emblématique de l’histoire des centres sociaux. Pour les autres, c’est la lutte dans le syndicalisme et la formation, (les deux leviers de l’autonomie des travailleuses), ou bien encore la fondation de la pédagogie sociale au sein de l’université polonaise.

Ces femmes ont toutes en commun l'envie de créer un monde plus juste. Elles partagent cette croyance de l’importance de l’éducation. Toutes ces figures étudiées et présentées dans l’ouvrage ont souvent quitté leurs attaches natales, elles ont voyagé, se sont installées à l’étranger. En effet, être pionnière en éducation "c’est aussi vivre des rencontres qui font découvrir la possibilité de transmettre autre chose, autrement et à d'autres mondes".

  

Pour aller plus loin

Ouvrage empruntable au Cariforef des Pays de la Loire

    

Cariforef des Pays de la Loire, juillet 2019