Le Cnam Pays de la Loire réinterroge la promotion sociale



On n’en parle plus, la promotion sociale a disparu du jargon de la formation professionnelle. Point phare de son engagement, le Cnam Pays de la Loire fait le point sur l’accès des adultes à l’enseignement supérieur, lors d’une table ronde réunissant État, Région, partenaires sociaux et chambres consulaires.

lico n° 33

      

« Entre les années 70 et 90, beaucoup d’adultes ont bénéficié de la promotion sociale, mais depuis 2000, la machine s’est enrayée », constate Yannick Lefeuvre, directeur régional du Cnam Pays de la Loire. 

Apparue dans la loi Debré de 1959, la promotion sociale inscrit un lien fort entre la personne et la collectivité qui prend en charge partiellement le financement d’une initiative personnelle non prescrite. Elle permet à la personne adulte de s’engager dans une formation choisie, non dictée par les seules orientations de l’entreprise. Aujourd’hui, lorsque la formation supérieure des adultes relève d’une initiative individuelle, les soutiens financiers publics sont difficiles à trouver.

Alain Meyer, directeur délégué du Cnam Pays de la Loire, rappelle que « la promotion sociale, c’est le fondement du Cnam. Cette formation supérieure qualifiante différée représente une possibilité de progression professionnelle ou de reconversion ou d’épanouissement personnel. Et elle est sans prescription ! »

Si la promotion sociale a disparu du jargon de la formation professionnelle, Pascal Caillaud, juriste, directeur du centre associé au Céreq des Pays de la Loire, chargé de recherche au CNRS, rappelle néanmoins que « la promotion sociale est une notion qui reste encore définie dans certains textes de l’État. Un lien est à établir entre elle et la formation hors temps de travail ».

      
« Il faut faire évoluer la prescription vers l’accompagnement »

La notion de non prescription est essentielle concernant l’accès à la formation choisie. Pour Jerôme Giudicelli, conseiller en charge de la formation professionnelle au cabinet du ministre du Travail, de l’emploi et du dialogue social, « la formation non prescrite représente pour une personne sa capacité de peser sur son propre choix de formation, de faire de son projet de formation quelque chose de discret, voire de secret ». Pour Jerôme Giudicelli, c’est le Congé individuel de formation (CIF) qui répond à ces objectifs et qui constitue une réussite de la formation professionnelle. Il souligne que la loi du 5 mars 2014 représente un progrès pour le CIF et avec le Compte personnel de formation (CPF) qui solvabilise le hors temps de travail, déplaçant ainsi l’enjeu de la formation choisie par le salarié au sein de l’entreprise. Sans oublier deux nouvelles modalités d’accompagnement du salarié que représentent l’entretien professionnel et le Conseil en évolution professionnelle (CEP).

« La formation tout au long de la vie, c’est ça l’enjeu. La Région se place dans une logique de parcours pour l’ensemble de la population et finance la promotion sociale dans un cadre contraint et selon des choix, affirme Jean-Philippe Magnen, vice-président du conseil régional des Pays de la Loire, président de la commission Emploi, formation professionnelle, métiers de demain, il faut faire évoluer la prescription vers l’accompagnement et bannir les termes employabilité et prescription. Ce sont des termes terribles, il y aurait les employables et les non-employables et des prescriptions de formation comme une prescription de médicament ! »

              
« Il n’y a pas d’émancipation sans appui »

De nombreux partenaires agissent ensemble pour la formation des adultes, les Chambres de commerce et de l’industrie (CCI) en font partie et, comme le rappelle Éric Groud, président de la CCI de Maine-et-Loire, « les CCI sont des actrices de la promotion sociale et s’associent régulièrement à des actions de requalification individuelle. Les territoires et les entreprises ont leur rôle à jouer, mais les entreprises doivent gagner en agilité ! »

Jean-Paul Bouchet, secrétaire général CFDT cadres, président du Cesi, rappelle la question à ne jamais oublier lors des réflexions sur les dispositifs « Ce sera quoi le plus pour le bénéficiaire ? » Il souligne l’importance du CPF et insiste sur l’importance de l’entretien professionnel au cours duquel doit émerger le projet de formation du salarié. Rappelant « qu’il n’y a pas d’émancipation sans appui », il place le CEP comme un déterminant de la réussite de la formation et insiste sur l’importance de l’entrée territoriale qui doit placer le demandeur d’emploi en son centre. 

« L’ingénierie financière reste un enjeu fort pour le Cnam. Quant au Compte personnel de formation qui est un progrès, il sera un outil privilégié du Cnam. », souligne Laurent Pieuchot, directeur du réseau et des partenariats au Cnam.

Les remarques conclusives de Pascal Caillaud permettent d’approfondir les réflexions. Il interroge « l'inintelligibilité de la norme où la novlangue l'emporte sur le sens du vocabulaire français. Pourquoi avoir utilisé les termes de transférabilité, puis de portabilité (comme un téléphone ou un ordinateur) pour désigner le droit à la formation ? Alors que de vieilles catégories juridiques comme le droit personnel suffisent largement et sont comprises de tous ». Pascal Caillaud insiste aussi sur la norme, qu’elle soit conventionnelle ou légale. « La norme est une construction sociale qui a une vie après son édiction, encore faut-il laisser le temps aux usagers de s’en saisir et de s’approprier cette norme. »

Enfin, revenant sur le Compte personnel de formation, il insiste sur la non-prise en compte dans la loi du 5 mars 2014 des agents publics (5,2 millions en 2012, soit 19,5 % de l’emploi) et des travailleurs indépendants (2,5 millions, soit 9,5 % de l’emploi), « ce sont donc quasiment 30 % des emplois en France pour le moment exclus de la mise en œuvre du CPF ».

Carif-Oref des Pays de la Loire - 23 septembre 2014

          

Pour aller plus loin
La promotion sociale en France
Collectif d'auteurs, Presses universitaires du septentrion, 1999

De la promotion sociale à la formation tout au long de la vie : nouvelles trajectoires, nouveaux besoins
Céreq, Cnam, Délégation à la formation professionnelle, Céreq, 1996